
« De la posture à l’imposture, il n’y a qu’un pas », dit-on. Un pas que certains ont franchi allègrement ! Fait, au vu du constat, que j’énonce plus souvent que je ne le voudrais… D’autant que j’en suis régulièrement témoin, non pas dans le cadre de mon cabinet, mais bien de la vie en société.
Être ou ne pas être…
« Être ou ne pas être, telle est la question », disait Hamlet dans son monologue[1]. Oui, telle est la question. Cependant, on peut très vite en avoir la réponse, quant à certains humains, si l’on en croit Georges Bernanos*[2]. J’avais d’ailleurs fait mienne sa phrase « Être capable de trouver sa joie dans la joie de l’autre : voilà le secret du bonheur »*[3].
Ils sont contents. Cela se comprend, ils viennent collectivement de recevoir quelques gratifications. A l’américaine, comme cela est de coutume dans leurs clubs, entreprises, restaurants. Peut-être avez-vous déjà vu dans un tel lieu l’affichage ‘employé(e) du mois’, avec la photo de l’heureuse, l’heureux élu, le tout encadré ? En l’occurrence, ce fut du diamant, et même du titanium. Si si, mais de papier, de plastique. Le principe du trophée, en quelque sorte. Pourquoi pas ? C’est toujours une bonne chose de voir récompenser un bel effort.
Mais est-ce le trophée qui prime ? Ou la réalité humaine de celle ou celui qui le reçoit ? Telle est la question… Il y a-t-il, en l’occurrence, adéquation entre le faire et l’être ? Si c’est le cas, tant mieux ! Car c’es ce qui devrait être. Dans le cas contraire, c’est qu’il y a comme un souci ; notamment d’authenticité de l’être.
Prenons l’exemple d’un médecin généraliste ; que je surnomme avec humour ‘bobologue ‘. Un certain nombre ne le sont-ils pas ? Qu’est-ce qui est le plus important, la compétence humaine, ou la seule compétence technique ? Sachant qu’une médecine sans réelle dimension humaine, est vouée à l’altération*[4] en regard de son efficacité.
Altération ou altérité ?
Altération, à ne pas confondre avec altérité*[5]. Ce qui rend d’ailleurs certains parfois infectes dans leurs propos. Mais Bernanos ne disait-il pas que « la colère des imbéciles rempli le monde » ? Il ne l’a pas dit, mais cette périphrase*[6] est bien issue de sa pensée. Je pense bien sûr à ces populistes, enfermés qu’ils sont dans leur dogme, sur fond de biais cognitifs[7], à jouer sur les peurs pour obtenir des suffrages.
Un bon exemple de biais serait de se dire de droite, voire de gauche, et de fait rejeter tout ce qui n’est pas dans une certaine doxa[8], quitte à faire mentir des réalités que l’on sous les yeux. Et contrevenir au propre dogme, cette fois-ci religieux, dont on se réclame. A même parfois, par exemple, considérer le pape actuel[9] comme un traître. Oubliant là, dans leur posture (de fait, imposture ?) certains fondamentaux de la religion qu’ils disent être la leur. Mais c’est un classique, que l’on retrouve dans d’autres courants du christianisme, et bien sûr, dans les autres religions.
Ce n’est d’ailleurs pas la religion en soi qui pose problèmes, mais bien ce que les humains en font, dans leurs indéniables capacités à la dévoyer.
Un fait humain et sociopolitique
Cependant, ils ne sont pas les seuls, et loin. Et peut-être même que certains d’entre eux, à force de se mentir, finissent par être plus en adéquation avec leur discours ? Alors que pour d’autres, il en ira très différemment. Un bonne Exemple est la dette française.
Dette qui sert même d’épouvantail, soit pour poursuivre une politique que l’on croit être la bonne pour son pays (vraiment ? compte tenu de toutes les réalités bien réelles que l’on ignore parfois ?), soit comme prétexte fallacieux pour couper dans les budgets sociaux. Reste que les populistes et autres extrêmes, eux, s’en servent pour dire qu’ils feraient mieux, alors que, vu leurs réelles compétences (ou incompétences) en la matière, ils feraient probablement pire ; à tous points de vue !
Sachant tout de même qu’une dette ne se rembourse pas séance tenante (en l’occurrence jamais), mais sur environ huit ans, selon son type, renouvelable de surcroît. Et que de fait, la France n’est pas endettée à plus de 100% (118% m’at-ton dit) ou que sais-je, mais aux environs de 13 à 14%. Et surtout, deux faits majeurs : le service de la dette (paiement des intérêts et annuités) n’est que de 2,5%. Cela fait certes de grosses sommes, mais tout de même. Aussi « la France en a les moyens » affirme le professeur Philippe Askenazy [10]. Est-ce d’ailleurs pour cette raison (deuxième fait majeur), mais également pour son excellente réputation, que les créanciers potentielles se ruent pour lui prêter dès qu’il y a offre ? « On en prête qu’aux riches », dit-on.
Ou comment faire peur au populations, leur saper leurs droits, et instrumentalisé cela ‘en basse politique politicienne’. « Tremblez braves gens ! Nous sommes riches, mais nous vous disons l’inverse ! » Ou comment couvrir quelques turpitudes ? Cela dit sans incriminer quiconque ; Il ne m’appartient pas de le faire. Sauf que l’on peut remarquer, comme beaucoup d’observateurs, qu’il y aurait comme un gros souci, dans cette inadéquation entre la dépense publique et la désormais faible qualité des services réels rendu au public ; sur fond de leadership mondiale en termes de tonte. Vous savez, le fait de tondre la laine sur le dos des moutons, puis après, de les envoyer balader coup de pied dans le fondement…
« Etonnant, non ? », dirait un célèbre journaliste et éditorialiste français. Et même si cela peut s’expliquer par un paradoxe, qui veut qu’un bonne part des populations voudrait tout et son contraire ? Elles ont en fait ‘bon dos’ les populations. C’est d’ailleurs un peu comme si l’on incriminé les enfants, sans tenir compte des devoirs des parents et encadrants.
Au-delà de l’humour, s’il en est, une réalité très humaine demeure, celle de savoir si l’on est ou l’on est pas, si l’on est dans l’authenticité de soi, avec tout ce qui peut la caractériser, ou dans la posture ; et in fine, le mensonge à soi-même.
Et vous, quel est votre choix ?
Aussi, non, il n’est pas question ici de parti-pris politique[11] ou/et religieux[12]. Sachant que j’ai coutume de préciser, me concernant, que « je ne suis ni de droite, ni de gauche, ni du centre, ni d’en haut, ni d’en bas ; bien au contraire ! ». Il est simplement question de faits de société, en regard des questions très humaines d’être ou de ne pas être, de savoir ce qui est préférable entre l’être ou le faire, entre l’authenticité et la posture.
Alors oui, être récompensé est logique et bien. Mais pourquoi, si l’action est de facto décorrélée de la réalité de ce que l’on est ?
Et vous, quel est votre choix ? Si tant est qu’avant de vouloir, il faut pouvoir vouloir, s’entend.
Notes :
[1] « Hamlet » de William Shakespeare, acte 3, scène 1. Dans ce monologue, Hamlet médite sur la souffrance et les épreuves de la vie. Et se pose bien des questions. William Shakespeare (1564-1616) était un dramaturge, poète, et acteur anglais ; avec « un zest » de métaphysicien. L’épitaphe sur sa pierre tombale n’a d’ailleurs toujours pas pu être décrypté.
[2] Georges Bernanos (1888-1948), célèbre écrivain et penseur français, prix Femina (1929), grand prix du roman de l’Académie française (1936).
[3] Georges Bernanos, « Les Grands Cimetières sous la lune », Plon, 1938. Existe notamment en format poche.
[4] Altération : Dégradation, détérioration
[5] Altérité : Caractère de ce qui est autre, de ce qui est différent.
[6] Sa phrase réelle était « Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus coupables que vous et moi, mais qui, par paresse, par manque d’attention, par stupidité, par vanité, vivent en état de mensonge permanent ». Extrait d’un essai posthume de l’auteur, ‘La France contre les robots’, publié pour la première fois en 1947 par la maison d’édition Plon.
[7] Biais cognitifs : Erreurs systématiques dans la pensée qui affectent nos jugements et décisions. Ils résultent de la façon dont notre cerveau traite l’information, souvent en simplifiant la complexité de celle-ci ; en la rendant parfois d’un simplissime affligeant et malsain. Ou encore, en renforçant le sujet dans ses erreurs et son mensonge (existentiel ?).
[8] Doxa : Terme provenant du grec ancien qui signifie ‘opinion’ ou ‘croyance’. Dans un contexte contemporain, le terme est souvent utilisé pour décrire des normes, des croyances ou des valeurs qui sont plus ou moins largement acceptées dans une société donnée, sans être systématiquement remises en question. La doxa peut ainsi influencer fortement la perception publique et le discours social.
[9] Le pape François, qui a d’ailleurs pris son nom de Saint François d’Assise (1181/1182-1226), reflétant ainsi une admiration profonde pour ce saint et ses idéaux. Lors de son élection en tant que pape, il a explicitement mentionné son désir de voir une Église qui est pauvre et pour les pauvres, s’inspirant directement des enseignements et de la vie de Saint François d’Assise. Un autre saint qui était formidable est Saint François de Sales (1567-1622). Saint François d’Assise qui est aussi particulièrement célèbre et aimé pour son amour profond des animaux et de la nature. Il est souvent représenté en compagnie d’oiseaux, de loups et d’autres créatures, et son approche de la fraternité universelle incluait tous les êtres vivants.
[10] Philippe Askenazy : Economiste, directeur de recherche au CNRS, professeur associé à l’Ecole normale supérieure et chercheur à l’École d’économie de Paris.
[11] Politique : Vient du grec ancien ‘πολιτικός’ (politikos), signifiant ‘de, pour, ou relatif aux citoyens’. Il dérive de ‘πόλις’ (polis), qui signifie « cité » ou « État ». Dans le contexte de la Grèce antique, une « polis » était une cité-état, une petite entité indépendante qui avait sa propre forme de gouvernement et d’organisation sociale. D’où le terme utilisé en Sciences-politiques, ‘policis’, ‘gestion de la cité’, pour souligner l’aspect intégral de l’ordre public, de la citoyenneté, et des règles qui façonnent les interactions au sein des sociétés.
[12] Religieux : Le mot « religieux » vient du latin « religiosus », qui signifie pieux ou consacré. Ce terme est lui-même dérivé de « religio », dont l’étymologie est souvent discutée par les philologues et les historiens des religions. Reste qu’à propos de ‘religio’, une discussion existe entre les spécialistes. Une interprétation soutenue par de nombreux théologiens et philologues*, serait d’interpréter « religio » comme dérivant de « re-ligare », qui signifie « relier » ou « attacher de nouveau ». Sous cet angle, la religion implique une relation ou un lien avec le divin. Où les pratiques et croyances religieuses servent à maintenir ou à restaurer ce lien entre l’humain et le sacré.
* Philologue : Spécialiste de l’étude des textes écrits pour comprendre leur langue, leur structure et leur évolution historique. La philologie englobe souvent l’analyse linguistique, l’histoire littéraire, et la critique textuelle.