A propos de l’importance d’une langue

Carte de l'OIF, Organisation Internationale de la Francophonie OIF 2018
Carte de l’OIF, Organisation Internationale de la Francophonie (2018). Auquel il convient de rajouter tous les francophiles. Et il sont nombreux! – Reddit

Anglicisme* égale barbarisme ?

J’ai toujours été partisan d’une défense de la langue française. A cela, une raison première, maintenir un certain équilibre culturel et géopolitique dans le monde. Et puis, le français est une langue si riche ! Mais fait ignoré par la plupart des français eux-mêmes.

« Pour moi, tout ce qui est américain, beurk ! »

Alors que je commençais un cours devant un parterre de médecins généralistes, dans le cadre d’une formation sur les céphalées et migraines, je présentais rapidement les méthodes d’aide et de psychothérapie dont il serait question. Eh oui, le physique et la psyché sont indissociables !

L’une d’entre elles dit alors tout haut, « pour moi, tout ce qui est américain et vient de là-bas, beurk ! ». J’en fut surpris, à fortiori de la part d’une femme médecin.

Bon, je n’étais pas au bout de mes surprises, lorsqu’une autre lâcha, « de toute façon, pour moi, tout ce qui est psychologie c’est comme l’astrologie, la voyance, de l’ésotérisme ». Sic ! Ça commençait bien…

Il est d’ailleurs intéressant de voir combien un adulte peut très vite régresser, en fonction du contexte. Même si ce elles semblaient vraiment croire ce qu’elles disaient.

A ce propos d’ailleurs, il en fut une, grand bringue à la tête de cheval, addictologue de son état affirmait-elle, qui n’arrêtait pas de discuter avec une copine à côté d’elle. Puis d’un coup, et de façon fort agressive, m’interpellait, sans autre. « Vous n’avez pas parlé de ça ! » Mais si, je venais d’en parlais, mais elle n’écoutait pas. Bref, difficile de demander à des ados d’être à l’écoute, si les adultes n’en sont pas capables. Cela vaut pour les deux, enfermées qu’elles étaient dans leurs croyances. Difficile également d’aider l’humain à se discipliner, et ne pas verser dans des croyances, parfois délirantes, face à de tels exemples.

Mais je vous rassure, il ne s’agissait là que d’une minorité. Ouf ! Minorité qui devenait majoritaire dans leurs erreurs,  lorsqu’il s’agissait de tester, par un autre intervenant dans cette formation, professeur de médecine et « pointure » dans son domaine, leurs capacités d’anamnèse, de diagnostic, et de prescription. Mais ce genre de formation complémentaire et continue sert justement à cela. En existe-t-il aussi pour les psychologues et psychiatres ? En principe oui, mais qui passe visiblement sous les radars, et par conséquent inaperçues, pour un certain nombre.

Non, il s’agit pas de faire du « French bashing » !

Bon nombre d’innovations et de progrès nous viennent, non pas d’Outre-Atlantique, puisque nous y sommes, mais bien du monde anglophone. Monde anglophone, car les britanniques sont eux aussi très forts en comportementalisme. Même si les Etats-Unis et le Canada étaient très en avance sur ces questions. Mais pas seulement, puisque ce fut aussi le cas de la Belgique. Ce pays, dans ce qu’il a de wallon, a même fonctionné comme une porte d’entrée de bien des approches et méthodes modernes en psychologie et psychothérapie, hypnothérapie ; et même en médecine, avec l’hypnosédation* !

En fait, c’est avant tout une question culturelle, et de mode de fonctionnement des sociétés ; voire de certains conservatismes inutiles, et ma foi, imbéciles. En France a régné la psychanalyse. Laquelle a essaimé jusque dans els hautes sphères, notamment décisionnelles. Sachant que bon nombre de législateurs et autres décideurs avaient leur psychanalyste attitré, et au fait de bien de leurs petits secrets ; pour certains pas très avouables. Cela en a fait naturellement un lobby puissant.

Le saviez-vous? La langue française a joué un rôle significatif dans le monde jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, en particulier dans les domaines de la diplomatie, de la culture, de la littérature et de la science. En tant que langue de la diplomatie, le français était largement utilisé dans les négociations internationales, les traités et les accords diplomatiques, ce qui en faisait une langue importante dans les relations internationales.

Sur le plan culturel, la France a été un centre de rayonnement culturel et intellectuel, avec des mouvements artistiques et littéraires influents tels que le siècle des Lumières et le romantisme. La langue française était également utilisée dans les domaines de la science, de la philosophie et de la pensée critique, contribuant ainsi au développement des idées et des découvertes scientifiques.

La langue française a été en réalité un vecteur d’influence culturelle et intellectuelle à l’échelle mondiale avant la Seconde Guerre mondiale, contribuant à façonner les échanges internationaux et la diffusion des idées.

Petite note personnelle: Mon père, amené à gérer des accords inter-Etats, n’en signait jamais un qui ne soit rédigé en français. Ou alors n’apposait sa signature que pour la copie en français. Et ce, pour une raison fort simple : la précision de la langue, qui limitait els aléas dus à des interprétation ultérieures partisanes. Ce qui lui valut d’ailleurs quelques soucis avec les anglophones. Mais comme il en avait aussi avec les russophones… D’autant que pour les anglophones, notamment les états-uniens, car les britanniques étaient en perte de vitesse, il y avait un enjeu majeur de leadership sur le monde, acquit avec la seconde guerre mondiale et le plan Marshall* qui s’en suivit.

Je le disais volontiers et avec humour, « en France, l’Eglise et la Faculté* se sont partagé l’humain. L’Eglise s’arrogeait tous els droits sur l’âme, et la Faculté sur les corps. Quant à la psyché, ils l’avaient « jeté aux orties* ». Or, comme al nature a horreur du vide, la psychanalyse s’est engouffrée dans la brèche, et en a fait son fonds de commerce.

Bon, tout cela semble assez caricatural. Mais n’est pas dénué de sens, ni de fondement ! Depuis lors, certains progrès ont été fait. Mais il reste encore beaucoup de chemin… D’autant plus que la psychologie et la psychiatrie y sont restés les « parents pauvres » de la santé. Pourtant, comme il en va de la dite « transition énergique », ce serait éminemment rentable, économiquement d’abord, puisque « l’argent est le nerf de la guerre », mais également socialement.

Il y a bien trente ans, je disais pour l’écologie. « Dès lors qu’ils auront compris combien cela peut être rentable, ils arrêteront de la rejeter, et même se l’approprieront ». C’est bien sûr sans compter avec les lobbys pétroliers, grands pourvoyeurs de fonds du climato-scepticisme. Pour lesquels toute forme de démocratie est une vilaine tâche à éliminer. Mais vu qu’ils ont parfois en face d’eux, et pour une part, de petits « dictateurs en herbe »… La hargne étant un moyen « psycho-logique » de compenser sa faiblesse, notamment en termes de moyens, et son besoin d’exister ; en particulier à travers une adversité, car incapable d’exister par soi-même ?

Aussi, tout cela est bien dommage, et abime les sociétés humaines. Dire qu’en France il y a par ailleurs de telles richesses ! S’en est même un foisonnement. Pourtant, on dit de ce pays qu’il est en dépression, relativement sévère. On y parlait même naguère d’épidémie. Terme impropre ? Que nenni ! Car la dépression, ça se transmet ; d’une certaine façon, s’entend.

Bref, il ne s’agit pas d’un horribilis « French bashing », mais bien d’un constat, dans ce qu’il a de prosaïque.

Eh non, anglicisme ne veut pas dire barbarisme !

Prenons l’exemple de nos ami(e)s d’Acadie et du Québec. Il n’y a pas semble-t-il plus qu’eux pour trouver une traduction juste à un anglicisme ; lorsque cela est possible, et n’en dénature pas le sens. Pour le terme « email » par exemple, ils utilisent, comme je le fais du reste, « courriel ». C’est joli, agréable à prononcer, et très juste. Pourquoi dès lors on ne l’adopte pas en France ? Et on y préfère « mèl » ? Peut-être par ce que « courriel » n’était pas estampillé « made in France » ? Ni même « made in Germany » ou « made in China », qu’ils y affectionnent particulièrement.

A contrario, pour « leadership »*, ils ont gardé cet anglicisme, ne trouvant pas son équivalent en français. Il en va de même, me concernant, pour Counseling*, ou Counselling, qui est bien différent en soi du Mentorat*. Mais pourquoi sont-ils si forts au Québec ? Car en Acadie, ayant vécu de la part des britannique une véritable déportation, ils n’ont guère pu vraiment résister. Peut-être tout simplement parce que les québécoise et québécois se rappelleraient, dans leur histoire, de « la revanche des berceaux » ? Mais surtout parce qu’ils n’avaient pas lutté contre l’hégémonie, compréhensible, de la langue anglaise, ils ne sauraient plus parler le français. Et aurait perdu une part importante de leur identité.

Mais oui, l’anglais peut devenir un barbarisme

J’aime beaucoup cette langue. J’aime aussi beaucoup les Etats-Unis, laboratoire du meilleur comme du pire. Mais laboratoire, avec tout ce que cela veut dire en termes de dynamique de recherche et d’innovation !

Mais j’aime moins le nivellement par le bas qu’elle peut aussi véhiculer. Non pas de la part des britanniques, mais bien des états-uniens. Sachant qu’avec nos amis du Royaume-Uni (« really » ?*) nous venons de fêter le 120ème anniversaire de l’Entente cordiale*. Et même s’ils ont fait, contre l’avis des Ecossais et irlandais du Nord, un fumeux Brexit, sur fond de mensonges éhontées, tels que servis aux populations ; de la part de populiste bas-de-gamme. Saint-Pinocchio, priez pour eux !

Le problème vient en effet des Etats-Unis, et de la vision manichéenne* de certains de leurs dirigeants politiques. Le fameux « America First » du perruquier de New York existait depuis els lendemains de la seconde guerre mondiale. Mais il a pris un tournure de plus en plus radical. Après les déstabilisations de l’Amérique Latine, et les guerres au Proche-Orient, il est toute une mouvance assez extrémiste (euphémisme ?) qui en est arrivé à vouloir vraiment l’imposer totalement au monde. En jeu, au-delà de leur leadership, le pouvoir de l’argent. C’est simple, tout y est devenu question d’argent ! Un véritable « nouveau Veau d’or », qu’ils veulent imposer au monde, notamment à travers une vision ultra-libérale et totalement dérégulé de l’économie, avec notamment comme vecteur les GAFAM*. Le Far-West, en quelque sorte !

Alors oui, en ce sens, il y a un réel risque de barbarisme, auquel on peut associer la discrète Chine, mais qui tisse sa toile depuis longtemps. Même s’il reste plus facile de parler l’anglais que le mandarin (langue d’avenir en Occident?). Sachant en outre que la langue française est un important véhicule culturel, et même essentiel ; bien que pas la seule à l’être.


Notes

Anglicisme : Mot, terme, emprunté à la langue anglaise

Hypnosédation : Technique pratiquée par un(e) anesthésiste. Elle utilise l’hypnose. Laquelle peut se voir associer la sédation intraveineuse consciente et une anesthésie locale du site opératoire, si les impératifs chirurgicaux l’imposent.

Faculté : C’est par ce simple vocable qu’en général on appelle la Faculté de Médecine. Héritage d’un temps qui n’est plus.

Jeté aux orties : Expression idiomatique qui signifie généralement qu’une chose est rejetée, abandonnée ou négligée. Elle est souvent utilisée pour décrire le fait de se débarrasser de quelque chose d’une manière désinvolte ou méprisante, comme si elle n’avait aucune valeur ou importance.

Leadership : Anglicisme qui se réfère à la capacité d’une personne à influencer, motiver et guider les autres vers l’accomplissement d’objectifs communs.

Counseling (ou Counselling) : Approche centrée sur la personne, le groupe, ou l’entité (entreprise, etc.), théorisée Carl R. Rogers (1902-1987), célèbre psychologue nord-américain, et l’un des fondateurs de la psychologie humaniste. Cette approche met l’accent sur l’empathie, la congruence et le respect inconditionnel pour la ou le client, là ou le patient. Elle est également utilisée en finances et dans le domaine du social.

Mentorat : Processus de partage, dans lequel une personne plus expérimentée, appelée mentor, guide et conseille une personne moins expérimentée, appelée « protégé/e » ou « mentoré/e ». Le mentorat implique souvent un partage de connaissances, d’expériences et de conseils, dans le but d’aider la ou le mentoré à développer ses compétences, à atteindre ses objectifs professionnels ou personnels, et à progresser dans sa carrière ou dans d’autres domaines de sa vie. En général non-rémunéré, il l’est au Québec, puisque nos amis de la Belle province utilisent ce terme à la place de Counseling. Et de fait, il devient un métier.

Plan Marshall : Officiellement connu sous le nom de « Programme de redressement européen », le plan Marshall était une initiative lancée par les États-Unis après la Seconde Guerre mondiale pour aider à la reconstruction économique de l’Europe. Proposé par le secrétaire d’État américain George Marshall en 1947, le plan visait à fournir une aide financière substantielle aux pays européens dévastés par la guerre ; et afin de stimuler leur économie et de favoriser la stabilité politique dans la région.

Mais cela fut aussi une entreprise stratégique de mainmisse des Etats-Unis sur l’économie européenne. Cela a également permis de stimuler, de façon plus diversifiée que seulement militaire, sa propose économie. En effet, ces milliards d’aide économique étaient composés pour l’essentiel de matériels et produits fabriqués aux Etats-Unis. C’était aussi une façon d’influencer sur le plan culturel, d’américaniser en quelque sorte les sociétés humaines d’Europe.

Cependant, ce plan Marshall est largement considéré comme ayant joué un rôle crucial dans la reconstruction de l’Europe de l’après-guerre, notamment en France, et dans la relance de son économie. Il a également renforcé les liens économiques et politiques entre l’Europe et les États-Unis. Et a contribué à contenir l’influence communiste dans la région en offrant une alternative économique attrayante au bloc de l’Est; à une époque de Guerre froide naissante.

Really : Terme anglais pour dire « vraiment », « réellement ».  

Entente cordiale : Accord diplomatique entre la France et le Royaume-Uni, signé en 1904, et qui mis fin à des décennies de tensions et de rivalités entre les deux pays. Ce n’est pas pour autant que nous n’entendrons plus « Messieurs les anglais, tirez les premiers ! », propos apocryphe du Maréchal Pierre Cambronne, au cours de la bataille de Waterloo en 1851, lorsqu’il demanda aux forces britanniques de se rendre. Mais lorsqu’il fut sommé par ces mêmes « british » de se rendre, il leur aurait simplement répondu « merde ! « . Bien que la véracité de cet épisode puisse être discutée, l’expression est devenue populaire dans la culture française pour illustrer l’esprit de résistance et de défi.

Manichéen : Adjectif dérivé du terme « Manichéisme », une ancienne religion dualiste fondée par Mani au IIIème siècle, et qui soutenait l’existence d’une lutte éternelle entre les forces du bien et du mal. Ainsi, quelque chose de « manichéen » se réfère à une vision du monde qui divise les choses de manière simpliste, binaire, en deux catégories opposées et souvent extrêmes, comme le bien et le mal, le noir et le blanc, sans prendre en compte les nuances ou les compromis possibles entre les deux. Par extension, une vision manichéenne peut être considérée comme étant trop simpliste ou fermée, ignorant la complexité de la réalité. On l’a retrouve très souvent dans les discours (marketing) politiques des populistes et autres d’extrême-droite.

GAFAM : Acronyme pour désigner les géants du web, que sont entre autres Google (Alphabet, avec notamment YouTube et Waze), Apple, Facebook (groupe Meta, avec Instagram et WhatsApp), Amazon, et Microsoft (avec Linkedin). Auquel il convient d’adjoindre TikTok, AirBnB, Alibaba, Baidu, Tencent, ou encore Twitter-X.

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